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Nintendo, toujours la même rengaine ?

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Lors du dernier E3, le jeu Splatoon a fait sensation pour deux raisons. La première, parce que c’est un jeu simple et fun, la seconde, parce que c’est une nouvelle licence ! « Enfin », s’exclamait la presse. Lorsque l’on parle à un joueur dit « hardcore », la sentence concernant Nintendo tombe très vite : « toujours la même rengaine depuis 30 ans, Mario, Zelda, Donkey, etc. Ils ne savent pas créer de nouvelles choses. ». Vrai ou faux, je vous propose un petit point, modeste, sur cette question.

Les nouvelles licences selon Nintendo

Durant son histoire sur le marché du jeu vidéo, Nintendo a constamment créé de nouvelles licences.

Avec la NES et la Super NES, comme c’était souvent le cas à l’époque, un nouveau jeu résultait d’une idée ou d’une technologie nouvelle, voire parfois des deux. Mario, Zelda, Donkey Kong, F-Zero et StarFox ont chacun apporté quelque chose de nouveau sur console, en étant ambassadeur soit des nouvelles capacités d’une machine, soit en allant plus loin que ce qui était la norme (scrolling horizontal contre écran fixe, par exemple).
Ces jeux ont tous été des succès et Nintendo en a fait des suites qui l’ont été également. C’est aussi valable pour la plupart des éditeurs japonais dont les grosses séries sont nées durant cette période d’âge d’or : Final Fantasy, Street Fighter, Castlevania, Tales of, etc. Toutes sont venues avec quelque chose de nouveau et une excellence qui leur ont permis de s’installer dans le cœur des joueurs.

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Durant cette période où tout restait encore à inventer, Nintendo a su créer des licences innovantes et au caractère suffisamment intemporel pour qu’elles restent dans l’histoire. C’est après que ça s’est gâté.

Dans la bataille pour les consoles en 3D, Sony et sa Playstation ont pris le pas sur Nintendo et ce durant deux générations. A cette époque-là, les jeux n’arrivaient pas forcément avec des idées nouvelles, mais davantage dans une optique de course à la technologie. Virtua Fighter et Ridge Racers ont impressionné, quand bien même il ne s’agissait que d’une évolution de ce qui existait déjà en 2D, notamment avec des séries comme Street Fighter et OutRun.
S’il est indéniable que les consoles Nintendo étaient techniquement plus puissantes que les machines Sony (logique lorsque l’on sort deux ans après), ces dernières ont tiré leur épingle du jeu grâce à deux initiatives technologiques. La PlayStation première du nom proposait le support CD, bien moins onéreux et avec une capacité de stockage plus grande que la cartouche, et la PS2 intégrait un lecteur DVD qui, à l’heure de cette révolution numérique, fut un avantage sans précédent par rapport au mini-disc de la Gamecube qui, malgré l’effort de Nintendo, restait cher à produire en plus de disposer d’une capacité de mémoire moins importante que le DVD.

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Ainsi, tous les éditeurs ont déserté le giron dictatorial de Nintendo pour aller produire chez Sony. Durant cette période, mis à part de rares exclusivités durement négociées, Nintendo fut le seul à alimenter sa machine en jeux. Terminés les Final Fantasy et autres Street Fighter qui faisaient les beaux jours de ses machines, ceux-ci sont maintenant chez la concurrence et la firme de Kyoto ne peut compter que sur ses propres licences pour vendre jeux et consoles.
A part les quelques expérimentations que sont Wave Race et 1080° Snowboarding, Nintendo ne produira rien de neuf sur N64, préférant se concentrer sur ce qui fonctionne comme Mario, qui sera décliné à toutes les sauces sportives, et Zelda. Rare se chargera de produire ces nouveaux titres, mais sans que cela ne plaise à Nintendo, qui jugera leur contenu peu inspiré et trop similaire à leur séries maison, et qui finira par se séparer du développeur anglais.

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Rebelote sur GameCube, où le changement de présidence a visiblement ouvert les portes de Nintendo, qui a externalisé le développement de certaines de ses licences (F-Zero chez SEGA, Starfox chez Namco, Metroid chez Retro Studios), mais sans pour autant produire davantage en interne. Seul Pikmin apporte un peu de sang neuf et d’originalité à côté des productions kékés à base de gangsta, graffitis et tuning qui proliféraient chez Sony et Microsoft.

Les consoles Game Boy ont également eu le droit à quelques licences inédites, mais beaucoup moins que celles de salon. Rappelez-vous, la Game Boy a vu le jour suite à une demande du président Yamauchi qui voulait une « Famicom portable ». L’idée était donc de proposer les mêmes expériences que sur console de salon, et cette philosophie perdura jusqu’à la Game Boy Advance où Nintendo ne s’en est même pas caché en recyclant tout simplement la plupart de ses gros jeux SNES. Seul Pokémon tirera son épingle du jeu en amenant un vrai concept pensé uniquement pour une console portable.

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Puis vient la période de la Wii, où Nintendo renoua avec le succès en dépit de ce que les joueurs, qui l’ont tous acheté, en pensaient.
Avec son faible prix et sa manette intuitive, Nintendo ouvra les portes d’un jeu vidéo qui était auparavant sectaire et créa bien plus qu’une nouvelle licence : une philosophie !
Les petits avatars de la Wii, les Miis, ont été au cœur d’une série de jeux qui ont fait bien plus que chatouiller Mario sur les ventes. Wii Sport, Wii Fit, Wii Play, Wii Party, des best-sellers originaux, fun et porteurs d’un concept qui fera l’identité de la machine.
Ce fut également le cas pour nombres d’éditeurs tiers qui ont tous voulu croquer une part du gâteau en développant des jeux nouveaux et originaux sur cette machine. Certains se sont bien viandés comme Capcom, d’autres comme UbiSoft ont su capter l’essence de la machine avec Just Dance et les Lapins Crétins, de nouvelles licences adaptées à la Wii.

La Nintendo DS et son succès phénoménal accompagnera elle aussi de nouvelles licences pour Nintendo, mais avec le même défi d’imposer une identité propre à la machine : une console portable avec des jeux taillés pour cette utilisation bien précise. Nintendogs aidera à créer le lien de proximité entre le chien virtuel et son maitre qui oubliera l’écran le temps d’une caresse tactile, Kawashima offrira des casse-têtes accessibles à tout le monde dans un but d’entrainement cérébral. Ce ne sont que deux exemples.
Nintendo finança aussi des nouveautés d’éditeurs tiers. Le Professeur Layton et Inazuma Eleven en sont des exemples-type, ces deux séries sont produites et financées par Nintendo qui récupère en échange l’exclusivité. The Last Story et Pandora’s Tower sur Wii ont été faits de la même façon.
Ce genre d’opération se fait partout, notamment chez Sony et Microsoft qui s’assurent leurs exclusivités de cette manière.

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Le risque de la nouvelle licence

Quelle est la différence entre une nouvelle licence et une qui est bien installée ? Prenons exemple sur le récent Tomodachi Life et Super Mario.
Super Mario, tout le monde sait ce que c’est. C’est un mec, qui doit parcourir des niveaux en sautant et sans se faire toucher par les ennemis. Il suffit de regarder les chiffres de ventes, tout ce qui porte le nom de Mario se vend sans aucun problème, il suffit d’avertir les gens que le prochain sort bientôt et c’est à peu près tout. De même pour le développement, les codes et personnages sont tous plus ou moins figés, il n’y a pas grand chose à inventer.

Pour Tomodachi Life, c’est une autre paire de manches.
Premièrement, en interne, cela demande de créer tout un jeu à partir de RIEN. Une idée de base donnera le top départ pour ensuite créer les personnages, les possibilités, le but, la direction artistique et tout un tas d’autres choses qui prennent beaucoup de temps. D’autant plus pour ce jeu précis qui ne ressemble à aucun autre. Cela représente un risque pour la société qui va payer des gens et engager des frais de recherche et développement pour un produit dont le succès n’est absolument pas certain ! Ensuite, une fois le jeu disponible, il faut communiquer pour expliquer le concept du jeu et donner envie aux gens, ce qui n’est encore une fois pas une mince affaire dans le cas de Tomodachi Life qui ne ressemble à rien d’autre.

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Voilà pourquoi Nintendo a du mal avec les nouvelles licences et préfère y mettre ses personnages fétiches lorsque l’on vient lui proposer un projet, cela a été le cas de Kirby Epic Yarn, qui ne devait à la base pas être un jeu Kirby. Une nouvelle licence coute beaucoup plus cher qu’une autre déjà installée, dont on connait l’audience et le succès, même si cela ne se voit pas pour nous, le public.
Par exemple, le développement des premiers Pokémon à demandé six ans de gestation. Six ans durant lesquels le budget initial alloué par Nintendo a été dilapidé en salaires et autres charges car ils ne parvenaient pas à en venir à bout. Game Freak a du développer des jeux sur Mega Drive et PC Engine pour renflouer un peu les caisses quand bien même ils étaient en état de quasi-faillite. Voilà ce que coûte une nouvelle licence, et encore, il s’agit d’un jeu Game Boy développé par une dizaine de copains, pas d’une super-production HD comme Watch Dogs avec 400 personnes dans les crédits !

Certes, j’exagère un peu, car lorsque l’on crée une nouvelle licence, une partie du travail de la R&D consiste à étudier les tendances actuelles et futures pour voir si le produit va fonctionner. Watch Dogs et The Last of Us n’auraient pas pu faire un bide, car ils ont été conçus pour attirer un public qui va acheter le jeu pour son concept ou par sa confiance envers l’éditeur/développeur qui le propose.

Il n’en reste pas moins qu’une nouvelle IP, comme on dit, reste un investissement et un risque pour Nintendo qui est seul sur sa Wii U. Les équipes de production interne sont restreintes et il n’est pas dans leur politique de jouer au yo-yo avec les embauches ou tout le monde fout le camp dès que le projet est fini.

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Une question d’identité

Pour ceux qui débarquent tout fraichement dans le monde du jeu vidéo, Nintendo est une entreprise née en 1889. Non, ce n’est pas une faute de frappe, cette entreprise a 125 ans et c’est durant les années 1980 qu’ils se sont lancés dans les jeux vidéo, après avoir passé plusieurs années dans le business du jouet. Comme je l’ai dit en début d’article, Nintendo s’est forgé une identité durant les heures de la NES, principalement avec Mario et Zelda. Ces licences sont installées depuis pas loin de 30 ans, et même pour Pokémon, qui fêtera son 20ème anniversaire en 2016, les poncifs commencent à dater.
Comment ne pas donner cette impression, face à d’autres acteurs de l’industrie qui ont été particulièrement productifs durant cette dernière génération de console ? La palme revenant à UbiSoft qui, porté par Assassin’s Creed, Just Dance et les Lapins Crétins, est passé du statut d’éditeur lambda à celui d’un des plus importants au monde.

Tout est question d’identité.

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Lors de la venue de Sony et Microsoft sur le marché des console, l’exclusivité était une chose commune dans le jeu vidéo. Il était rare que les gros jeux, qui étaient à l’époque japonais, sortent partout à la fois. Ainsi, lorsque Sony arriva avec sa PlayStation, la prise de position face à Nintendo se fit très vite : la PlayStation est une console d’adultes. Puis vinrent les jeux : Tomb Raider, Resident Evil, Metal Gear Solid, Silent Hill, Ridge Racer, etc. La venue de Microsoft ne changea pas vraiment la donne car la première Xbox n’égratigna même pas la PS2, qui continua à proposer des jeux tiers exclusifs, comme Devil May Cry.

C’est à l’orée de la génération PS3/360 que les choses ont changé. Les développeurs occidentaux ont pris la main sur les japonais et ces derniers ne jouent plus la carte de l’exclusivité, en proposant leurs jeux sur toutes les machines, pourvu que cela se vende. Alors que Microsoft énervait déjà avec son Halo et son jeu de course PGR exclusifs, Sony a vu tout ce qui a fait sa renommée devenir disponible également sur Xbox 360, comme avec le coup de massue de Final Fantasy XIII. L’ayant évidemment vu venir de loin, Sony a, durant l’ère PS2, investi dans des studios, devenus first-party, afin de créer des licences exclusives comme Uncharted, inFamous, Killzone, pendant que Microsoft faisait la même avec Gears of War, Fable et Forza.

Pendant ce temps, Nintendo n’a racheté qu’un studio : Monolith Software, spécialisé dans un domaine que le consolier de Kyoto n’avait pas à son arc, le RPG.

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Une nouvelle licence se crée lors d’une idée nouvelle, mais également pour correspondre à un besoin, et c’est exactement pour ça que ces deux vagues ont vu le jour. La vague PSOne était une volonté de faire des jeux adultes et en 3D sans se faire censurer par Nintendo et sur une console plus puissante et facile que la Saturn. La vague PS3/360, pour justifier l’achat d’une machine plutôt qu’une autre car les exclusivités éditeurs-tiers n’étant plus, il faut se les fabriquer tout seul.

Nintendo n’a pas eu besoin de ça, car son identité et son écosystème étaient déjà en place depuis longtemps, et il écrase en terme de ventes presque tout ce qui se fait ailleurs dans l’industrie ! En regardant sur ce bête lien Wikipédia, il est facile de constater que Nintendo vend beaucoup plus que tout le monde.
Sans parler du fait qu’un Mario Kart développé en interne, c’est d’autant plus d’argent qui rentre dans les caisses qu’avec un GTA, où Sony et Microsoft ne touchent que de maigres royalties, mais c’est un autre débat.

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Tout est question d’identité, Nintendo a la sienne depuis longtemps, les jeux fonctionnent, se vendent et l’entreprise couvre suffisamment de genres différents (Mario, Zelda, StarFox, Fire Emblem, Animal Crossing, etc.) pour ne pas avoir à s’éparpiller davantage. La philosophie de Miyamoto va dans ce sens, car selon lui seule une utilisation inédite ou une nouvelle façon de jouer nécessite une nouvelle licence.
Avec l’ère PS3/360, le jeu vidéo en a vu naître beaucoup, mais il n’a également jamais été joué par autant de monde. Ce divertissement s’est incroyablement démocratisé (cela explique le lancement fulgurant des nouvelles consoles) et chacun des éditeurs a dû imposer son identité au nouveau public. Si UbiSoft a fait preuve d’audace, ils ne sont pas prêts de lâcher leur Assassin’s Creed de sitôt, de même pour Sony et Microsoft qui continuent à développer du Gears of War, Uncharted, Forza, Halo et God of War. A l’heure des productions qui coutent de plus en plus chère, la carte de la sureté a du bon et aucune nouvelle licence ne verra le jour sans être un mix de ce qui fonctionne bien, à l’image de Watch Dogs, Last of Us ou The Order. Trop de pognon est en jeu.
Je joue peut-être les Madame Irma, mais je ne pense pas me tromper et, au pire, vous aurez oublié d’ici-là !

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Nintendo crée bel et bien de nouvelles licences, mais elles ne correspondent pas à notre public ou ne sont tout simplement pas annoncées comme telles. C’est sûrement une erreur et le constructeur l’a rectifiée en utilisant ces termes lors de la présentation de Splatoon. Toujours est-il que, par rapport à ses concurrents, Nintendo est sur une autre planète avec une identité propre et solide, et de ce fait, il n’ont pas eu besoin de créer lors des deux vagues évoquées dans cet article. Après, si le seul nom de Nintendo suffit aujourd’hui pour vendre, peut-être pourraient-ils tenter d’autres aventures, chose qui se fait plus ou moins aujourd’hui avec Xenoblade et Devil’s Third. Encore faut-il qu’il reste des personnes compétentes pour superviser si l’on soustrait toutes les équipes occupées sur les nombreuses autres licences.

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