En attendant probablement l’E3 2016, où le voile sera enfin levé sur la ou le Nintendo NX, les six prochains mois vont donner lieu à toutes sortes de pronostics, rumeurs, fuites et autres qui donneront du grain à moudre à tout un chacun afin de jouer les Nostradamus. Après la déculottée subie par Nintendo et sa Wii U, en plus d’une 3DS qui, malgré ses bons scores, se trouve être la portable la moins vendue du constructeur (en regroupant les familles ensemble, évidemment), il est temps de changer, d’évoluer. Si tout au long de son histoire, Nintendo a toujours su se remettre en question, la NX symbolisera-t-elle ce changement et si oui, en quoi ? Je précise que cet article est écrit à partir de pures spéculations, libre à vous d’en faire de même.
L’impasse des consoles
Au-delà du problème de ventes évident que rencontre Nintendo avec sa Wii U, c’est à mon sens l’idée même de la console qui est vouée à disparaître. Les consoles d’aujourd’hui ne ressemblent en rien à celles de notre enfance. Ma Super Nintendo ne lit que les cartouches, tandis que ma PS4 me permet de regarder des films et des séries, d’en louer, de faire du streaming sur Twitch (et donc de produire du contenu, plus seulement le lire), de regarder le foot, Youtube, Netflix et, aussi, de jouer. Si beaucoup ont à l’époque pesté sur cette orientation, qui se plaindra aujourd’hui d’avoir toute la télé à portée de main ? Qui achète aujourd’hui un lecteur Blu-ray seul, alors qu’il existe la PS4 ? Personne.
Nintendo est aujourd’hui incapable de rivaliser avec ce système. Sony est une multinationale possédant de nombreuses société de productions de jeux, mais aussi de films et de séries, qui peuvent ainsi naturellement être ajoutés à la PS4, de même pour Microsoft qui possède un très gros chéquier. De plus, aucune société de production ne fera l’impasse sur la diffusion sur console, hormis le catalogue Netflix, toutes les grosses séries sont dispo sur PS4, comme The Walking Dead ou Game of Thrones, qui ne sont pourtant pas des produits maison. Plus fort, Sony a même lancé une série qui, aux États-Unis, est exclusivement diffusée sur PS3 et PS4 : Powers, une histoire avec des super-héros. Au-delà du jeu en lui même, ce genre d’arguments est un point non négligeable pour le public. Une console en 2015 doit pouvoir lire des films, c’est normal. Certains l’achètent même principalement pour ça et si elle permet de taper un Fifa de temps en temps, c’est encore mieux !
La Wii U, de ce point de vue est restée au temps de la GameCube, ou plutôt de la N64, en proposant une console uniquement dédiée au jeu, quand bien même la volonté de Netflix d’être présent partout lui aura permise de proposer un autre contenu, ça s’arrête là. Le Nintendo TVii n’a jamais vu le jour et le catalogue d’animés sur 3DS est ridicule.
Cependant, le modèle actuel des consoles arrive face à un changement encore plus crucial. Comme l’évoquait sur Gameblog Julien Merceron, ancien employé de Konami responsable de la stratégie technologique de l’éditeur et superviseur du Fox Engine de Metal Gear Solid V, la génération de console précédente à été trop longue et les habitudes ont changé entre temps. Longtemps décriée pour sa complexité de développement, la PS3 a eu du mal à décoller et proposait même des versions parfois inférieures aux moutures Xbox 360 (Bayonetta est l’exemple le plus parlant). Bien conscients du problème que cela a été, la PS4 a été construite comme un PC et est aujourd’hui bien plus accessible. C’est en partie ce qui a causé le déclin du Japon : des moteurs faits maison extrêmement coûteux en R&D, ce qui donnait des jeux au développement sans fin, allongeant de même manière le budget alloué et devenant ainsi plus compliqué à rentabiliser. Les japonais ont bien compris leurs erreurs et la plupart se contentent aujourd’hui de prendre la licence d’un Unreal Engine ou d’en faire un adaptable comme Capcom. Sony a donc poursuivi le même chemin, celui de la facilité, rapprochant ainsi l’architecture de sa console d’un simple PC. Microsoft étant intrinsèquement lié à cet univers, les Xbox ont toujours été conçues de cette façon.
Le PC a pourtant un avantage que n’ont pas les consoles, son adaptabilité. Pour avoir des jeux plus beaux sur PC, il suffit de modifier quelques éléments, carte graphique, RAM et j’en passe. Sur console, c’est impossible. Que ce soit la PS4 ou la XBox One, les deux ont été comparées avant leur sortie à des PC de début de haut de gamme. Avec l’avancée des technologies, elles sont aujourd’hui complètement dépassées et bien souvent à genoux face au divin 1080p/60fps.
Pourtant, le PC n’est pas plus plébiscité que la PS4 et ça se comprend. Jouer sur PC c’est chiant. Faut installer, ça va planter, est-ce que mes performances sont équivalentes à celles recommandées ? L’éditeur se base sur une carte Nvidia, j’ai une AMD, qu’est-ce que je fais ? Je vais voir sur un forum, c’est pas la bonne, alors je prend une NVidia à plusieurs centaines d’euros, tout ça pour me retrouver avec un Batman Arkham Knight qui sera à jamais injouable sur PC ? Non. Quand bien même la master race ne jure que par le PC, elle reste une machine pour initiés dès que l’on quitte le domaine des Sims et autres jeux peu gourmands. Le commun des mortels ne souhaite pas se prendre la tête et la console reste pour eux le moyen le plus simple et rapide pour jouer.
Ce côté pratique fait pourtant obstacle à l’adaptabilité, comme j’en parlais plus haut. Sur PC, il est facile de booster la performance d’une machine sans devoir racheter toute la tour avec, chose impossible sur console, hormis pour les disque dur. Cela n’a pour le moment jamais vraiment posé de problèmes et le seul accessoire qui allait dans ce sens, le 64DD, n’est jamais sorti dans le commerce. Cependant, la PS4 sera d’ici peu confrontée à ce problème, de par la propre initiative de Sony. Le PlayStation VR, le casque de réalité virtuelle de la machine, sera vendu avec un boîtier externe dédié à augmenter les capacités de la console afin de fournir la puissance nécessaire au casque. Certes, cela ne concerne au final qu’un accessoire, mais le fait est que la console fait ici un aveu de faiblesse.
S’il ne fait aucun doute que Sony en profitera pour sortir une version améliorée de sa console avec l’extension ajoutée, l’ère du temps ne permettra pas à la PS4 et la Xbox One de rester aussi longtemps que leur prédécesseurs.
Le modèle Apple
La solution vers laquelle l’industrie doit se tourner selon Julien Merceron, et à laquelle j’adhère (sinon je n’aurais pas écrit cet article), est le modèle Apple.
Le modèle Apple est en particulier celui issu de la vision de Steve Jobs, celle de la verticalité. Là où Microsoft et son OS Windows s’adapte à des centaines d’ordinateurs, Appel fait l’inverse en construisant ses machines autour de son OS. C’est une vision qu’il a défendue face à Microsoft, mais également face à Android, qui fait aujourd’hui la même chose que l’entreprise de Bill Gates : contorsionner son OS afin de le rentrer dans une machine. Lorsque l’on achète un jeu sur l’Apple Store, il fonctionne sur tous les modèles récents d’iPhone et d’iPad, chose qui n’est pas forcément le cas avec portables Android, où telle application ne sera pas optimisée sur tel mobile. Ce n’est pas pour rien que les iPhones et iPad restent parfaitement fluides plusieurs années après leur achat lorsqu’un autre mobile montre rapidement des faiblesses.
Voilà sur quoi devraient s’orienter les constructeurs dans les années à venir : créer un OS noyau, autour duquel gravitera toute une gamme de produits. Un écosystème certes fermé mais qui permet une compatibilité. Si les jeux PS3 ne peuvent être lus sur PS4 c’est pour cette raison, la PS4 étant complètement différence de sa grande soeur, là où la Xbox One le permet, étant relativement proche de la 360. Nintendo propose également la rétrocompatibilité, mais à l’ancienne, en incluant dans la console, une sorte de modèle réduit de la précédente. La Xbox One émule, pas la Wii U lorsqu’elle lit les jeux Wii.
Pour moi, il ne fait aucun doute que le NX est l’OS de la prochaine gamme de produits Nintendo.
Kimishima le décrit comme quelque chose de complètement différent et il a raison car, selon moi, le NX sera le noyau du futur écosystème Nintendo. Cela fait sens d’une part au vu des nombreuses déclarations, mais également par la fusion des pôles hardware dédiés aux machines portables et au salon. Les ingénieurs ont ainsi pu mettre leur compétences en commun afin de créer leur produit autour de ce noyau, là où auparavant chacun faisait sa tambouille dans son coin. Développer deux OS et deux machines demandent un budget conséquent en recherche et développement, qui peut ainsi être diminué et investi autre part.
De plus, le principal problème du constructeur depuis la N64 est le manque d’éditeurs-tiers pour alimenter la machine en jeux. Nintendo a aujourd’hui 20 ans de retard sur ce point et ne pourra jamais le rattraper. Ils ont loupé tous les Assassin’s Creed, tous les GTA, les Far Cry, les Call of, les Kingdom Hearts, les Resident Evil, les Batman, les jeux Bethesda et j’en passe. Les fans de ses licences ne sont pas sur console Nintendo et inversement, d’où l’arrêt aussi brutal que parfaitement compréhensible de la part d’Ubisoft, qui a fait preuve avec la Wii U de bien plus de considérations avec Nintendo que n’importe quel autre éditeur sur Terre. Qui a acheté Assassin’s Creed sur Wii U ? Personne. Celui qui a déjà la PS3 l’a pris sur PS3 et celui qui ne jure que par Nintendo ne sait même pas ce qu’est cette licence et ne va surement pas commencer avec le quatrième épisode (quand il ne considère pas tout simplement que c’est de la merde). Avec cet OS noyau, Nintendo pourrait ainsi éviter l’éparpillement qui lui fait tort aujourd’hui. Splatoon et Fire Emblem Fates seraient ainsi développés pour le même support et simplement adaptés en fonction de la machine utilisée. Cela fonctionne très bien avec les machines Apple et cela permettrait de rendre les consoles Nintendo attractives bien plus souvent dans l’année. Moi qui possède environ 25 jeux sur 3DS et Wii U, j’en aurais ainsi 50 pour la même machine, ce qui fait quand même pas mal !
Reste à savoir comment sera cette prochaine console. Beaucoup pronostiquent la console hybride salon/portable et je suis d’accord. Des brevets vont d’ailleurs dans ce sens et c’est plus ou moins ce que Nintendo a initié sur Wii U avec le Gamepad et le off-TV. Malheureusement c’est bien raté vu qu’on ne peut même pas continuer sa partie aux chiottes…
Le dernier indice est pour ma part la New Nintendo 3DS. Il s’agit d’une console de la même famille qui bénéficie d’une amélioration hardware, que le consommateur ne pourra pas rattraper en greffant un accessoire à son ancienne machine, entraînant des jeux exclusifs (un en fait, Xenoblade 3D) et d’autres améliorés (Monster Hunter X, Hyrule Warriors Legends). La sortie d’une telle machine, au final quasiment inutile pourrait être un test afin jauger la réaction du public. Le lancement fut un succès, bien aidé par un certain Zelda, qui peut mettre Nintendo en confiance pour adapter le modèle Apple, à savoir sortir un nouveau modèle légèrement boosté tous les deux ans, tout en proposant des jeux parfaitement compatibles avec les différentes machines. Nintendo peut donc faire évoluer son système tranquillement par simple mise à jour et couper les ponts avec les vieux modèles au bout de quelques années. Cela fonctionne exactement comme cela dans le marché du mobile, où l’on change d’appareil tous les 2 ou 3 ans. Sur son site officiel, Apple ne vend plus les modèles antérieurs à l’iPhone 5s et l’iOS 9 ne fonctionne pas sur les modèles sortis avant l’iPhone 4s, rendant ainsi nombre de nouvelles applications incompatibles, mais les nouveaux acheteurs seront eux assurés que tout fonctionne bien.
Si cette façon de fonctionner vous débecte, préparez-vous car c’est là que l’industrie ira de toute façon. En ce qui concerne Nintendo, il serait étonnant que DeNa aille à l’encontre de cette vision, ayant justement été approchés pour leur expertise du mobile.
Dans un article publié sur Gamekult, il est rapporté deux citations d’Iwata datant de 2014 que voici : « Il va être important pour nous de profiter soigneusement de ce que nous avons réalisé avec l’architecture de la Wii U. Bien entendu, cela ne signifie pas que nous allons utiliser exactement la même architecture que la Wii U, mais nous allons créer un système qui peut absorber l’architecture de la Wii U adéquatement. Lorsque ceci arrivera, les consoles de salon et les consoles portables ne seront désormais plus totalement différentes, et elles deviendront comme des frères d’une famille de systèmes.«
Il est donc presque sûr d’imaginer que tout ce qui a été fait sur Wii U sera porté sur la prochaine console, comme le Miiverse et les jeux qui seront compatibles, mais aussi tout le catalogue Console Virtuel. Ce qui ne serait pas un mal… En extrapolant, on peut même imaginer que la NX serait « le portail Nintendo » qui permet de télécharger 30 ans de jeux Nintendo sur le disque dur. Un rêve !
La deuxième citation est celle-ci : « Actuellement, cela demande énormément d’efforts de porter un jeu Wii sur 3DS, non seulement parce que leurs résolutions diffèrent mais aussi parce que la méthode de conception est totalement différente. La même chose se produit lorsque nous essayons de porter un jeu 3DS sur Wii U. Si la transition d’un jeu d’une plateforme à une autre peut être simplifiée, cela va aider à résoudre le problème du manque de jeux pendant les périodes de lancement d’une nouvelle plateforme. »
Celle-ci donne encore plus de sens au propos de cet article sur l’OS noyau NX. Nintendo a identifié son problème majeur et souhaite mutualiser ses jeux afin d’en proposer bien plus régulièrement sur le marché.
Et ensuite ?
Voilà en ce qui concerne la NX. Néanmoins, ce pronostic que je fait soulève quelques questions.
La première est d’ordre technique. Cela va être compliqué de faire tenir un jeu aussi ambitieux que veut l’être le prochain Zelda sur une console portable. Il reste à savoir comment le rabotage pourra être fait. Est-ce que la NX permet juste de gagner du temps sur le développement à la manière des deux versions de Super Smash Bros Wii U et 3DS ou est-ce quelque chose de plus adapté ? Aucun indice pour le moment…
La deuxième concerne une image diffusée lors d’une réunion d’investisseurs et qui inclut 3DS, Wii U, la NX, ainsi que PC, tablette et smartphone. La NX permettrait elle de faire tourner à la fois les jeux Wii U et 3DS sur la prochaine console, mais aussi de développer des jeux dédiés aux trois derniers supports ? Nous verrons bien.
Enfin, le dernier point concerne les éditeurs-tiers. Un Square-Enix ou un Bethesda auront-ils intérêt à développer sur NX ? Malheureusement, il va falloir attendre les capacités techniques et aussi les ventes.
Enfin, le plus rassurant dans tout ça est surement la volonté qu’à Nintendo de renouveler son marketing. Les déclarations, que ce soit Kimishima ou Miyamoto, sur l’envie d’étendre le pouvoir d’attraction de leurs licences est un excellent point. Ils possèdent des marques extrêmement fortes et n’en font rien, ce qui est dommage. Un film d’animation Mario ou une attraction Zelda dans un parc peut attirer un public différent des joueurs de consoles vers ces univers, tout comme les gosses d’aujourd’hui, qui jouent sur tablettes, peuvent être à nouveau captivés si on leur propose du Kirby. Il est important, comme l’a souligné un cadre de Nintendo, d’attraper les enfants dès le plus jeune âge, afin qu’ils créent un lien avec les marques et ça, ça ne va pas se faire tout seul. Après tout, comment avons nous connu Pokémon à l’époque ? Avec le dessin animé, non ?
Voilà ce que pourrait être la Nintendo NX au vu des indices et de l’évolution du marché. Un OS noyau autour duquel gravitent plusieurs produits conçus pour, ainsi qu’un outil de développement permettant d’adapter très facilement un jeu sur une autre plateforme. Cela arrangerait réellement les problèmes de Nintendo et lancerait l’entreprise dans une remise en question de son industrie. Au pire si je me plante complètement, cet article sera encore là en Juin pour qu’on puisse en rigoler.