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Donkey Kong Country : Tropical Freeze

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par

Houspillé par les fans de Metroid à son annonce, vu comme trop précoce après le portage 3DS de son grand frère, décrié comme indigne de l’ambition de Retro Studios, ce nouveau Donkey Kong ne partait pas forcément gagnant. Pourtant, 3 ans se sont déjà écoulés depuis les dernières aventures du singe le plus tendance du moment, pendant lesquels le consensus établi par NintenDomaine a pu rayonner dans l’univers tout entier : DK, c’est top. Pourquoi alors bouder son plaisir en ces temps de famine ? Il faudra demander ça à quelqu’un d’autre, moi, j’ai aimé le jeu !

Une fois le jeu lancé, on retrouve la famille Kong autour d’une banane d’anniversaire des plus appétissantes. C’est là que débarquent les nouveaux affreux du coin, une bande de Vikings dont le nom fait froid dans le dos : on les appelle les Givrés, et ils ne sont pas là pour vendre des Mr Freeze à la boutique de la patinoire communale. Ce faisant, le grand chef… un cor gigantesque… le blizzard s’installe… bref, DK et ses potes vont devoir reconquérir leur île une fois encore, et profiteront de l’occasion pour en visiter quelques autres.

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Kongratulations

Après 6 ans passés à se plaindre de la Wii, il est très agréable de jouer à un jeu Nintendo sans imaginer ce qu’il aurait pu donner visuellement sur une autre console ! Ce DK est magnifique et a été pensé pour faire honneur à une grosse télé de bourgeois ; la méthode la plus efficace pour s’en rendre compte est d’essayer d’y jouer sur la mablette, qui le rendra instantanément flou et dégueu.

Non seulement le jeu est sublime et tourne en 1080p, mais le 60 images par seconde constant est au rendez-vous. On a beau être sur une machine aux performances modestes, c’est un résultat qu’on n’a que trop peu observé sur les consoles taxées de “next-gen” depuis l’apparition du terme ! Bon, j’ai un peu menti : le jeu rame très souvent… pendant les chargements. Soit dit en passant, ces derniers sont d’une longueur assez gênante.

Selon les développeurs, le report du jeu (initialement prévu pour novembre 2013) leur a permis de passer un coup de polish — notamment en ce qui concerne les différents effets (lumière, etc., …). Cela se ressent grandement dans la finition du jeu, qui est exceptionnelle. Que ce soit au niveau des animations, aussi fluides qu’amusantes, ou des décors, fourmillants de détails, on imagine mal comment Retro aurait pu en faire plus sans tomber dans le trop. De multiples sessions seront nécessaires avant de prendre la mesure du travail fourni par les artistes du studio, tant les arrière-plans regorgent de surprises et de clins d’oeil à d’anciens jeux Nintendo.

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Le jeu se déroulant en majeure partie en dehors de l’Île DK, de nouveaux thèmes font leur apparition. Sans chambouler le genre de la plate-forme, deux mondes au moins auraient pu vous surprendre si vous n’étiez pas en train de lire cet article. Mon coup de coeur revient au 2e monde et ses moulins, dont le décor automnal respire la nostalgie. De manière générale, c’est du classique — mais du classique maîtrisé, vivant et qui met le sourire aux lèvres. Pour preuve, même le vieux Cranky semble prendre son pied à voler la vedette à son incapable de fils !

Les nouveaux ennemis sont tous très inspirés et plaisants à écraser, ce qui tranche avec les Tikis sans âme du précédent épisode. Entre les rats fromagers, la tortue aviatrice et les hiboux triangulaires, on aurait presque de la peine pour ces adversaires finalement peu agressifs. A tel point qu’on pourrait se demander qui est le méchant dans l’histoire, si les boss n’étaient pas là pour nous le rappeler à coups de marteau ! Chacun de ces “patrons” (© Super Mario Bros. 3) a une identité plutôt travaillée, si on occulte quelques erreurs de parcours poissonnières. Je regrette malgré tout que certains ennemis restent cruellement sous-exploités, à l’inverse des pingouins qu’on retrouvera tous les trois pas.

Pinaillage intempestif mis à part, le character design est des plus réussis, de même que la modélisation desdits personnages. Retro a appris de ses tâtonnements passés, et il serait ingrat de leur reprocher une fois encore l’absence des Kremlings ; Nintendo a manifestement décidé de les jeter aux oubliettes, il faut s’y faire et profiter de leurs remplaçants !

L’ambiance musicale était le 2e grand reproche qu’on avait pu faire à DKC Returns : bien que correcte voire excellente par moments, les nouveaux thèmes n’étaient pas aussi mémorables que ceux de la trilogie Super Nintendo. Pire, certaines pistes évoquaient plus Mario et Metroid que l’atmosphère unique instaurée par le travail de Wise et ses collaborateurs. Tropical Freeze réalise vos fantasmes les plus fous en ramenant sur le devant de la scène David Wise, qui n’avait pas composé pour Nintendo depuis une bonne dizaine d’années et qui vient aujourd’hui prêter main-forte à Kenji Yamamoto.

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La qualité de la bande-son s’en ressent fortement, puisque ce n’est désormais plus un point faible mais au contraire l’une des forces du titre. Cela passe évidemment par des réarrangements de classiques tels qu’Aquatic Ambience ou Stickerbrush Symphony — dont le placement dans le jeu semble avoir été décidé aux fléchettes —, mais aussi par les nouvelles compositions, excellentes pour la plupart. Wise étonne avec des chants tribaux et donne une atmosphère très festive aux décors paradisiaques que l’on traverse, avant de satisfaire notre fibre nostalgique par des sonorités plus habituelles. On note un travail plus axé sur la mélodie que les textures, dont la superposition faisait l’ambiance si particulière des Donkey Kong Country ; c’est en adéquation avec l’insistance du level design sur le rythme et le mouvement constant. Cela dit, la dernière partie du jeu fait la part belle à des compositions qui pourraient sortir tout droit de la SNES, l’aspect 16 bit poussiéreux en moins.

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Homecoming Hijinx (Snowmads’ Island Theme)

Tout Donkey Kong Country qui se respecte doit pouvoir donner envie au joueur de lancer une partie dans l’unique but d’écouter la musique qui lui trotte dans la tête — et DKC Tropical Freeze mérite indubitablement son nom ! Les avancées techniques majeures depuis les années 90 ont permis à David Wise d’explorer des directions jusqu’ici laissées de côté, et notamment de conférer un côté grandiose aux dernières zones du jeu. Elles lui auront aussi donné l’occasion de mieux développer de vieilles idées telles que le metal, utilisé ici à merveille lors des affrontements contre les boss.

Bref, aux niveaux technique comme artistique, DKC : Tropical Freeze est une réussite magistrale.

La plus grosse nouveauté du jeu réside dans la possibilité d’incarner Dixie et, pour la première fois depuis l’ignoble DK Jet Race, ce bon vieux Cranky Kong. Chaque personnage possédant ses capacités propres, choisir un compagnon plutôt qu’un autre affectera radicalement l’expérience de jeu. Directement repompé de Duck Tales, le saut pogo de Cranky fluidifie grandement la progression dans les niveaux, du moins pendant les quelques secondes précédant la chute inéluctable. L’addition de ce personnage est à mes yeux la meilleure idée de gameplay introduite par Tropical Freeze — et l’une des rares, à vrai dire. Avec un peu d’entraînement, on devient rapidement capable de terminer un niveau sans jamais poser le pied à terre, enchaînant les sauts pogo à une vitesse effrénée.

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Diddy et Dixie rendent quant à eux le jeu beaucoup plus permissif, dans la mesure où il n’est plus nécessaire de calculer ses mouvements au millimètre près : on peut sans problème sauter à l’aveugle et corriger le tir une fois en l’air. C’est ce que j’appelle le syndrome Mario Sunshine et, à mon sens, cela diminue grandement l’intérêt d’un jeu de plate-forme. Cela étant dit, je suis ravi que ces personnages soient disponibles, car ils permettent à tout type de joueur de trouver son compte ! Le jeu étant d’une difficulté impressionnante en comparaison des standards actuels, proposer des aides facultatives aux joueurs moins expérimentés apparaît comme le compromis idéal. Comme l’a récemment déclaré Michael Kelbaugh, “si le jeu avait été plus facile, ça n’aurait vraiment pas été un Donkey Kong Country”.

Un énorme travail a été réalisé pour rendre le jeu accessible au plus grand nombre, sans pour autant sacrifier le challenge — loin de là. Cela se ressent dans le compteur de vies, dont l’affichage oscillera entre 80 et 99 tout au long de la partie, ainsi que lors des niveaux en chariot et en fusée, qui accordent à présent une erreur au joueur avant explosion. Une tripotée d’objets pourront être achetés dans le bazar de Funky, tels qu’un ballon sauvant de la chute ou un coeur supplémentaire ; mises bout à bout, ces options facultatives permettent aux néophytes de s’essayer à un jeu à l’ancienne, sans jamais déranger les vieux cons que nous sommes.

A l’instar de Returns, tout a été calibré, millimétré, disposé de manière à rendre l’expérience de jeu la plus fluide possible. Encore une fois, le design des ennemis est avant tout relié à leur fonction (en général, servir de trampoline) : on retrouve donc des clones déclinés dans diverses espèces animales. Le casque à pointes des pingouins force à faire une roulade pour les éliminer, tandis que le morse à bouclier ne peut être évité qu’en lui sautant par-dessus. Ajoutez à cela une disposition chirurgicale des plates-forme, et vous obtenez des niveaux à la lisibilité bluffante, tenant plus de la partition virtuose que du parcours d’obstacles.

Persos DKCTF

Kensuke Tanabe, producteur du jeu, a récemment exprimé son mépris pour les tutoriels textuels qui infestent de plus en plus le jeu vidéo depuis la dernière génération de consoles. Je ne peux qu’applaudir son discours, selon lequel un jeu suffisamment travaillé n’en nécessite pas le moins du monde. Et ce ne sont pas que des paroles : Tropical Freeze introduit chacune de ses nouveautés de manière extrêmement subtile et pédagogue, sans jamais tomber dans l’assistanat. Certains l’ont qualifié de “die and retry”, mais moi j’entends surtout “c’est la faute à la manette”. Le jeu ne nous prend jamais au dépourvu, c’est juste qu’il est dur. S’il existait un joueur bourré de réflexes capable de ne commettre aucune erreur de manipulation, j’affirme qu’il pourrait terminer le jeu sans mourir, tant le level-design est limpide.

C’est en s’essayant au contre-la-montre que l’on prend réellement la mesure du travail de fourmi qu’a nécessité la création de parcours qui ne sacrifient ni la variété, ni l’accessibilité sur l’autel du speed run. Un système de classement en ligne a été mis en place, ce qui permettra à votre grand-mère d’organiser des concours de phallus avec les autistes du monde entier.
L’interface est très simple et réussie, bien que l’absence de séparation entre les différents Kongs (tous utilisables) soit regrettable. Cet aspect compétitif promet aux acharnés du score de rentabiliser leur achat, et aux autres de rallonger un peu une durée de vie relativement faible. Quoi qu’il en soit, la rejouabilité du titre est excellente, pour la simple raison que beaucoup de niveaux sont géniaux à parcourir.

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Un petit bout d’interview de Kensuke Tanabe

Personnellement, je déteste vraiment, vraiment les tutoriels. Quand je lance un jeu, je veux y jouer ! Donc, quand un jeu me prend par la main et me dit “Hé, fais ça” et “Hé, fais ci”, je me dis “Tu vas me laisser jouer ou bien ?!”

Pour les jeux sur lesquels je travaille, je ne veux pas inclure de tutoriels. Pensez aux jeux de l’ancienne génération : ils n’incluaient pas de tutoriels. C’est peut-être parce que certains de ces jeux étaient très simples, mais les joueurs apprivoisaient les contrôles, ils apprenaient quoi faire et comment, et tout ça était calculé minutieusement par les designers. Je pense que l’addition de tutoriels textuels est juste une manière pour le développeur de s’éviter d’avoir à fournir l’effort nécessaire pour créer un jeu qui n’en aurait pas besoin.

Tout est dit. Merci Nintendo de perpétuer ce genre de ligne de conduite ! Touchez-en un mot à Eiji Aonuma, s’il vous plaît…

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Complètement Kong

Soucieux d’éviter le syndrome Super Mario Galaxy 1.5, Retro Studios s’est démené pour offrir une expérience qui ne fleure pas le micro-ondes. Si la démarche est louable, le résultat ne sera pas forcément du goût de tout le monde.

Absents de Returns, les niveaux aquatiques font leur retour, au grand bonheur de personne. Je mentirais en qualifiant leur maniabilité de désastreuse, mais la tentation est très forte. Au-delà de cet aspect pratique, il faut se rendre à l’évidence : la nage, c’est chiant. L’équipe de NDM s’est penchée sur le sujet et, après des heures de tempêtage d’encéphale, a accouché d’un schéma représentatif du monde 4 de ce DKC : Tropical Freeze.

En définitive, on ne peut pas reprocher à Retro Studios d’avoir raté les niveaux aquatiques : les mouvements sous l’eau sont précis et, ici comme dans les autres niveaux du jeu (les bons), on ne meurt jamais par hasard. Ce qu’on peut leur reprocher, en revanche, c’est d’avoir inclus ces niveaux tout court… Depuis la sortie de Super Mario Bros., les développeurs de jeux vidéo ont eu 30 longues années pour constater que le concept lui-même du niveau aquatique est fondamentalement naze. Il est donc impardonnable de persister à emmerder le joueur de la sorte — surtout après DKCR, dont le rythme n’avait pas été entaché par ces affreuses phases de jeu. Cela étant dit, l’atmosphère de ces niveaux est tellement réussie qu’il paraîtrait presque envisageable d’y prendre du plaisir.

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Au fur et à mesure des essais infructueux, le schéma va se modifier pour tendre vers celui-ci :
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Un autre ajout dispensable réside dans l’obligation de parcourir certains niveaux plusieurs fois si l‘on désire accéder aux 35% facultatifs du jeu. Cela implique de chercher des sorties secrètes plus ou moins bien dissimulées, ce qui est tout simplement une mauvaise idée. Certains joueurs sont motivés par l’idée de fouiller les recoins, tout découvrir… mais d’autres ne le sont pas. Il n’est pas normal qu’une de ces deux populations soit à ce point pénalisée alors qu’elle n’a pas payé 35% moins cher. Personnellement, ça ne m’a pas énormément affecté puisque la plupart de ces sorties secrètes sont faciles à repérer ; mais quand on en est réduit à chercher dans l’eau, on a la recette idéale pour une visite à GameFAQs — sinon un abandon pur et simple.

Le même problème se pose lors des combats contre les boss du jeu. Assez peu inspirés dans Returns, on sent que les développeurs ont cherché à diversifier les affrontements. L’objectif a été rempli, puisque la variété est au rendez-vous ; chaque boss possède un grand nombre d’attaques différentes, et il faudra réajuster sa stratégie plusieurs fois avant d’en venir à bout. Malheureusement, le principe du boss reste inchangé : on passe le plus clair de son temps à attendre, dans une arène fermée. Si par miracle on défait son adversaire du premier coup, le travail des développeurs paie ; dans le cas contraire, on en arrive rapidement à la conclusion habituelle — les boss, c’est chiant.

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Nous sommes aujourd’hui en 2014, et une bonne partie des joueurs ayant grandi pendant les années 80 et 90 n’a plus ni le temps, ni l’envie de subir des phases de jeu ne procurant aucun plaisir afin de progresser. En introduisant la notion de contrainte, globalement absente de Returns, Retro Studios rate lamentablement le coche de la modernité. La solution au problème était pourtant simple, et ils la connaissaient déjà : proposer un bouton “je suis nul” permettant de passer à la suite, à l’image du Super Guide de l’épisode précédent.

Il est regrettable que les quelques réelles nouveautés de Tropical Freeze viennent entacher l’expérience de jeu plutôt que la rafraîchir ; je note tout de même quelques essais plus ou moins réussis, tels que les phases “Sonic Adventure”, où l’on regarde son personnage faire une dizaine de loopings à fond la caisse sans avoir le moindre impact sur sa trajectoire. Ajoutées aux phases de tonneau en vue FPS ainsi qu’à la rotation récurrente de la caméra, on sent un effort sincère pour dynamiser encore plus le jeu. Cela dit, ce n’était pas forcément nécessaire, et on verra probablement ces ajouts comme de l’esbrouffe un peu inutile d’ici dix à quinze ans !

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En bref…

J’aime :

  • La HD
  • David Wise
  • L’intelligence du level-design
  • La critique socio-économique du marché de la banane

J’aime pas :

  • Nager
  • Chercher
  • Les boss (mais y a pire)

Le niveau de finition extrême de Donkey Kong Country : Tropical Freeze impose le respect ! De mauvaises idées couplées à une absence de nouveautés majeures l’empêchent malheureusement d’atteindre le statut de chef-d’oeuvre. Si Rayman Legends et sa richesse hallucinante ravissent à mon sens le titre de meilleur jeu de plate-forme de la Wii U, ce nouveau DK n’en est pas bien loin. Plus que ça, il se place sans problème dans le haut du panier du genre, et participe activement à rappeler à l’industrie que l’utilisation de singes a un impact très positif sur la qualité des jeux vidéo. On croise les doigts pour que le prochain épisode implique des pirates de l’air, et on l’aura notre jeu parfait…

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