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Fire Emblem Heroes

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Il y a deux ans, si on m’avait dit que j’écrirai le test d’un Fire Emblem sur smartphone, j’aurais sûrement regardé la personne avec un rire un brin méprisant. Le fait est qu’en 2017, Nintendo sort des jeux sur mobile : entre un Miitomo, réseau social vite fait et vite oublié, un Pokémon GO qui a explosé médiatiquement et un Super Mario Run fidèle à la série 2D mais au prix jugé un brin excessif, il est encore difficile de savoir où la boite de Kyoto va sur ce support. C’est dans ce contexte que Nintendo s’offre une nouvelle piste avec la série Fire Emblem et un jeu free to play.

Born to make history

Un choix qui peut paraître étrange, quand d’autres licences qui semblent plus populaires comme Animal Crossing, Kirby ou Doshin the Giant auraient sans doute eu plus de succès que le Tactical-RPG de Intelligent System. Mais ça, c’était avant la sortie de Fire Emblem Awakening, un épisode qui propulsa la série hors de sa niche, aussi bien au Japon qu’en Occident. Un succès que confirmera Fates 3 ans plus tard, faisant entrer la série dans les licences qui comptent pour Nintendo, plus de 25 ans après sa création.

Outre la popularité, il est aussi bon de rappeler que la série se prête plutôt bien à un gameplay mobile : avec son système de damier qui fait fi de toutes les 3D haute définition du monde pour fonctionner, Fire Emblem s’avère le choix logique pour une transposition sur smartphone.

Last Strategy Heroes

Fire Emblem Heroes nous met dans la peau d’un stratège invoqué par Anna, la commandante de l’armée du royaume d’Askr, pour filer un coup de main à Alfonse (la faute est d’origine) et Sharena, respectivement prince et princesse du royaume. Ceux-ci sont opposés à l’empire d’Embla et l’impératrice Véronica qui cherche à conquérir tous les mondes existants. Je dis bien “les mondes”, car il existe des portails reliés aux mondes des différents Fire Emblem dans l’univers de Heroes.
Cette excuse de scénario servira surtout à vous faire rencontrer et recruter les nombreux héros de la série, qu’ils soient personnages principaux ou péons, lors de batailles tactiques reprenants et simplifiants les mécaniques de la série.

De façon à ce que le jeu s’affiche intégralement sur l’écran de votre smartphone, les affrontements se font désormais en 4vs4 sur des cartes de 6 cases sur 8. Il faudra comme d’habitude alterner entre votre tour et celui de l’adversaire jusqu’à ce que l’une des deux équipes soit rayée de la carte. Pour ce faire, le jeu met à disposition une batterie d’options et de mécaniques bien connues des joueurs de Fire Emblem : triangle des armes, armes efficaces contre un certain type d’unité, techniques offensives, classe de personnage, soin, dagues réduisant la défense de l’ennemi…
Toute la panoplie du parfait petit stratège est présente dans une version efficacement revue pour le mobile, en plus d’être épurée de son aspect aléatoire. Pas de pourcentages pour toucher ou coups critiques aléatoires dans Heroes, les attaques sont inévitables et les dégâts fixes. Le jeu résume donc efficacement les atouts tactiques de la série mais demande un certain ajustement pour le vétéran avant qu’il ne puisse prétendre dominer le champ de bataille miniature que lui offre Heroes.

L’interface en combat est quant à elle bien pensée pour le format mobile. Chaque unité se déplace du bout du pouce sur la grille de jeu et ne peut effectuer qu’une attaque ou une action de soutien par tour, action qui se réalise en cliquant sur l’unité cible. La fluidité du jeu s’en trouve grandie ce qui, une fois combinée à la simplification du gameplay et des objectifs, rend le rythme des parties extrêmement rapide, une bataille dépassant rarement les 5 minutes de jeu. On se retrouve alors à les enchaîner rapidement avec une certaine facilité, la mort définitive étant elle aussi aux abonnés absents. Le système fonctionne donc particulièrement bien : sans retrouver la complexité de ses aînés sur console Nintendo, je trouve Fire Emblem Heroes aussi accrocheur et parfois tout aussi retors lors des maps les plus complexes qui m’ont demandé de bien réfléchir à ma formation et à mes placements sans l’aide de mon banquier. Comme la série principale, la profondeur du gameplay de Fire Emblem Heroes brille lorsque que le jeu fait preuve du plus pur des sadismes, même si je déplore parfois une certaine limitation dans les possibilités, due essentiellement à la simplification du gameplay mentionnée plus tôt. Des qualités qui sont malheureusement ternies par le modèle free to play du jeu.

Alfonse fait la gueule. Normal, il sait qu’il a zéro en charisme comparé au reste des personnages du jeu.

La roue de la fortune

Contrairement à Mario qui devient payant passer le premier monde, Fire Emblem Heroes reste gratuit pour le joueur patient. Mais le titre, développé en collaboration avec DeNa, spécialiste du free-to-play (ou F2P) au Japon, utilise de nombreuses mécaniques pour frustrer le joueur et le pousser à l’achat pour aller plus vite ou obtenir ce qu’il souhaite.

La première mécanique est une jauge d’énergie qui limite le nombre de parties jouables. Dans Fire Emblem Heroes, il faut dépenser un certain nombre de points d’énergie pour lancer une carte. Si le prix d’entrée est ridicule au début du jeu, les cartes les plus difficiles vous demanderont d’avoir une vingtaine de points pour pouvoir être lancées. Quand on sait que le maximum de point d’énergie est de 50, on peut rapidement finir à sec. Bien sur, ces point se régénèrent avec le temps, un toutes les 5 minutes et il est possible pour les plus impatients d’utiliser des objets pour remplir sa jauge plus vite mais on voit ici le premier levier qu’utilise le jeu pour freiner les ardeurs du joueur de Fire Emblem.

Le second est à mes yeux bien plus pervers : il s’agit des orbes. Pour faire simple, il s’agit de la monnaie du jeu. On en obtient via les cartes du scénario ou en payant du vrai argent dans la boutique du jeu (qui n’est pas tenue par Anna à ma grande surprise) et elles vont vous permettre d’acheter un peu de tout : remplissage de la jauge d’énergie, upgrade de votre QG pour plus d’expérience et surtout, à invoquer les héros qui formeront votre armée. Dans Heroes, on oublie le plaisir du recrutement sur le champ de bataille et on passe par un portail d’invocation où il faudra payer un droit d’entrée pour invoquer un personnage au hasard. Ce bon vieux aléa, absent du champ de bataille, a donc élu domicile ici et créé un déséquilibre entre les joueurs qui n’ont pas tous accès aux mêmes ressources pour pouvoir avancer dans le jeu.
En effet, certains personnages rares comme Takumi ou Hector étant déjà considérés comme les plus forts du jeu grâce à leurs capacités qui leur permettent d’outrepasser les règles de bases du jeu, les joueurs ayant obtenu ces personnages voient leur progression nettement facilitée. Si on ajoute à ça un système d’étoile sur la fiche de chaque personnage pour déterminer la puissance et les capacités disponibles pour un personnage, on obtient un système qui peut pousser au vice et à la frustration encore plus vite que la limitation d’énergie si on souhaite avoir une équipe très puissante. C’est d’autant plus problématique que s’il est possible de faire gagner un rang d’étoile à un personnage, cela nécessite une grande patience pour obtenir les ressources nécessaires à la promotion de son personnage.

Ce système d’invocation aléatoire et de progression des personnages est typique du free to play japonais de type gasha, un terme utilisé pour ce modèle de free to play du fait de sa ressemblance avec les machines à gashapon, des machines où on insère une pièce et on tourne une manivelle pour obtenir une récompense aléatoire. C’est ce business model qui a permis à des jeux comme Puzzle & Dragon, Monster Strike ou Grandblue Fantasy de devenir des succès financiers au Japon, en poussant les joueurs les plus addicts à dépenser des fortunes pour obtenir le monstre le plus fort du jeu, au point que le gouvernement japonais considère ces jeux à la limite du jeu d’argent type machine à sous. Bien entendu, le système de gashapon est idéal pour des licences aux personnages forts, ce qui en fait un choix logique pour Fire Emblem et son énorme casting de personnage.


L’invocation des héros, un moment parfois aussi frustrant qu’un coup critique ennemi à 1%.

Le héros aux mille visages

Car avec son casting initial bien pensé, combinant habilement des figures incontournables à d’autres appréciées des fans, le tout en piochant aussi bien dans les premiers épisodes exclusifs au Japon que dans les épisodes 3DS et GBA, le jeu tient de la madeleine de Proust pour les fans qui auront rapidement envie de constituer le quatuor de leur rêve, à condition d’avoir eu de la chance au tirage.

Surtout que Nintendo a fait les choses sérieusement pour rendre hommage aux héros de sa série tactique. Si Yusuke Kozaki, le designer de Awakening et Fates, s’occupe des personnages originaux et des visuels de promotion, les développeurs ont fait appel à de nombreux illustrateurs pour dessiner les autres personnages du jeu et les moderniser. Le résultat est on ne peut plus hétérogène, mais comporte surtout du bon comme Marth et Abel et parfois quelques ratés comme Cordelia ou Eliwood. Un soin aussi présent sur les sprites des batailles qui ont su reprendre les aspects physiques de nos héros ainsi que de leurs équipements à l’aide d’un design chibi plutôt simple, comme pour coller au gameplay du jeu.

La partie sonore est aussi soignée, avec un doublage pour tous les personnages et des musiques originales dans la lignée des derniers épisodes. J’aurais cependant aimé des reprises pour les musiques issues des vieux épisodes, plutôt qu’un ajout bête et méchant : ça jure de passer des pistes orchestrales de Fates à la chiptune de la Game Boy Advance.

Pour le visuel comme pour le sonore, on est un cran au-dessus des autres free to play que j’ai pu tester et on sent l’envie de la part des développeurs de proposer un titre soigné.

Dur à cuire

Il me semble toutefois difficile de porter un jugement définitif sur le titre aussi peu de temps après sa sortie : les jeux de ce genre ont un suivi sur la durée peu commun à ceux de nos supports de jeu traditionnels, ce qui amène le titre à offrir de nouveaux contenus, de faire évoluer son modèle et de proposer de nouveaux modes de jeu et personnages aux travers d’événements qui poussent le joueur à revenir sur le jeu régulièrement.

Trois semaines après la sortie du jeu, nous avons dû à peine voir les balbutiements de ce suivi, avec un événement ponctuel pour recruter un personnage inédit, l’apparition de quatre nouveaux héros issuent de Sacred Stones et Genealogy of the Holy War, de nouvelles quêtes et quelques modifications du système d’expérience.
Mais de nombreuses questions restent en suspens, comme la méthode d’obtention des orbes gratuites une fois le mode scénario terminé, la fréquence des mises à jour ou même la synergie entre Heroes et les épisodes principaux pour permettre de juger de l’intérêt du premier Fire Emblem mobile sur la durée.

J’aime :

  • Le gameplay bien adapté au format mobile qui sait aussi se montrer retord
  • Visuels et son soignés
  • Fan service de qualité
  • Suivi régulier sur le premier mois de lancement

J’aime pas :

  • L’aspect aléatoire des invocations et le déséquilibre évident que cela crée
  • Le modèle de free to play qui pervertit les bonnes idées du jeu
  • Un certain manque de contenu initial
  • Où sont les personnages de Tellius ?

En temps normal, Fire Emblem Heroes aurait été une réussite, car il s’agit d’un titre mobile ambitieux qui a su s’adapter à la plateforme sur laquelle il tourne. Mais le modèle free to play du jeu me pousse à la prudence car il a une tendance à pervertir une bonne base, ce qui se sent déjà dans l’équilibre entre joueurs payants et joueurs non-payants.
Ceci dit, j’apprécie beaucoup le jeu que je considère comme un habile condensé de la série sur mobile et j’espère qu’Intelligent System transformera cet essai mobile avec un titre plus proche des épisodes consoles et expurgé du modèle de free to play.

Voir aussi :

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