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L’histoire de la GameBoy

Le

par

D’un pari technique à un succès mondial
Nintendo dans toute sa splendeur

Petite note avant de commencer : la question de savoir si « GameBoy » est masculin ou féminin ayant alimenté bon nombre de bagarres au cours de ma scolarité de primaire, j’ai décidé de prendre ma revanche sur l’Histoire en imposant ma thèse : la GameBoy est une fille et je vous emmerde.

Avant la GameBoy

Quoi de mieux pour savourer un peu ce que représente la GameBoy que de se remémorer ce qu’il y avait avant ?

Du côté des salons, après quelques tentatives du côté de chez Magnavox ou Atari, c’est Nintendo qui a imposé ses standards en sortant la NES en 1983. Cela lance ce que l’on appelle désormais la troisième génération de consoles de salon qui fait suite à l’effondrement du marché. Dans cette génération, on trouve quelques perles, mais c’est surtout la Master System qui nous intéresse, développée par Sega et sortie en 1985. Car Sega, on va pas mal en parler ici.

D’ailleurs Sega marque ensuite l’industrie d’un grand coup en prenant Nintendo de vitesse sur la quatrième génération. Alors que le PC Engine avait démarré cette nouvelle ère, c’est vraiment Sega qui a fait de cette génération celle des 16 bits en sortant sa MegaDrive en 1988. Nintendo ne lui emboitera le pas que 2 ans plus tard, avec la Super Nintendo, cumulant au passage ces 2 mêmes années de retard sur sa concurrente sur les 3 marchés mondiaux.




Ca c’est pour votre salon. Du côté des consoles portables, on était loin d’avoir tout catégorisé comme ça. On ne parle même pas des consoles portables de génération précédant la GameBoy. Pourtant comment ne pas parler des deux systèmes qui l’ont inspirée : les Game&Watch, sortis à partir de 1980 et la Microvision, sortie en 1979. Mais c’est à peu près tout.

Du coup, tout était encore à inventer et pour ce faire, qui d’autre que le génial créateur des Game&Watch, Gunpei Yokoi, pouvait superviser le projet ? C’est avec ceci en tête que le président dictateur général de Nintendo, Hiroshi Yamauchi, lui a refilé le bébé.





Pocket Famicom ou DaMé Game

L’idée est très simple : La NES étant sortie quelques années plus tôt, au vu des récentes évolutions technologiques, il ne devrait pas être trop difficile d’en faire maintenant une console portable pour un coût de production faible afin de la vendre peu cher (car dans la tête des gens, une console portable sera forcément moins chère qu’une console de salon).

Mais dès les premières phases de tests, Gunpei Yokoi se retrouve confronté à une terrible réalité : un écran couleur et qui plus est retro-éclairé, ça consomme un max. Or quel serait l’intérêt d’avoir une console portable si on ne peut pas y jouer n’importe où, s’il faut absolument se brancher sur le secteur pour jouer ? C’est pour cette raison, prioritairement à toute autre, que la GameBoy sera dotée d’un écran monochrome non éclairé. Ajoutez à cela qu’un écran couleur coûte beaucoup plus cher à produire, vous obtenez tout ce que Yokoi voulait éviter.



Il restait maintenant à choisir un bon écran. Pour mémoire, les Game & Watch utilisaient des écrans LCD, oui, mais avec des dessins prédéfinis qui empêchaient de facto d’utiliser une console pour un autre jeu. Or dans le cahier des charges de la « Pocket Famicom », il fallait bien sûr que les jeux soient interchangeables. La technique du Dot Matrix (en gros, les pixels) était donc toute désignée (d’où le nom de code de la console : Dot Matrix Game, ou DMG), d’autant plus qu’Epson venait tout juste de mettre au point la technologie « Chip on glass » qui offrait les mêmes caractéristiques qu’un écran de télévision, mais en beaucoup moins cher. D’ailleurs Nintendo a demandé des devis à Epson ainsi qu’à Citizen (le moins cher du marché) pour réussir à faire baisser les prix chez Sharp, son allié historique (et au Japon, on ne change pas de sous-traitant sans y perdre son honneur !).



Le prototype de Sharp, basé sur la technologie d’Epson au prix de Citizen a rapidement convaincu Yokoi qui en a commandé plusieurs camions. Mais c’est là que Yamauchi entre en jeu. Le terrifiant patron, prenant connaissance de l’avancée du projet, demande à prendre le prototype de la console dans les mains. Instinctivement, il la porte en plaçant l’écran vers le haut, comme n’importe qui le ferait. Or Yokoi avait tout prévu en se basant sur sa manière à lui de tenir un Game&Watch, donc avec l’écran incliné vers le bas. Evidemment, ne parvenant pas à voir confortablement ce qui était affiché à l’écran, Yamauchi a fait stopper la production de ces écrans jugés catastrophiques.

Ce fut une terrible épreuve pour Sharp, qui venait d’investir quatre millions de yens dans les chaînes de production, et pour Yokoi qui devait leur indiquer que ça n’allait finalement pas servir. La légende voudrait que, de toute sa carrière chez Nintendo, cette épreuve ait été la plus difficile à surmonter pour Gunpei Yokoi et que le burnout le guettait attentivement.



Finalement, un écran plus adapté fut trouvé, le super-twisted nematic liquid crystal display (STN LCD). Peu cher, peu gourmand en énergie, adapté à l’extérieur, il avait cependant pour défaut d’offrir un taux de rafraichissement largement inférieur aux autres formats (notamment le populaire TFT), ce qui sera préjudiciable aux futurs jeux à scrolling. L’écran de la GameBoy a fait tomber bien des cheveux chez Sharp, et les ingénieurs ne parvenant pas à se mettre d’accord sur la qualité de l’image ont fini par placer une molette permettant à chacun de régler le contraste à sa guise.

Ainsi, la GameBoy se voit dotée d’un processeur plus moderne et plus puissant que la NES, mais un affichage de bien moindre qualité. Dans les locaux de Nintendo, on rit dans le dos de Yokoi et son équipe, appelant leur projet « DaMé Game. » DaMé étant un jeu de mot entre Dot-Matrix et Damé voulant dire mauvais en japonais. Pourtant, malgré ces railleries justifiées par les avancées technologiques que le monde connaît, Gunpei Yokoi aura eu le soutien total de son président jusqu’à la fin du projet. La suite vous la connaissez déjà un peu, non ?



Un succès sur tous les plans

Avec son design prévu pour tenir dans la poche d’un jean (à l’époque, ces poches étaient énormes, ce qui a contribué au succès de ce style de pantalon), deux boutons de commande, le célèbre D-Pad et des cartouches minuscules pour l’époque, la GameBoy envahit le marché japonais le 21 avril 1989 accompagnée de 4 jeux prévus pour toucher tous les publics potentiels :

Yakuman est un jeu de Mah-Jong principalement destiné aux adultes dans les transports en commun. Baseball et Alleway (un casse-briques avec Mario) sont des jeux tous publics, faciles d’accès et rapidement funs. Super Mario Land, développé par R&D1 sans la patte des créateurs de la saga Shigeru Miyamoto et Takashi Tezuka, est en fait une commande passée par Hiroshi Yamauchi, car Mario n’était pas encore officiellement la mascotte de Nintendo à l’époque. Mais Yamauchi savait que ce genre de jeu bien fun pouvait à lui seul faire vendre une console. L’équipe de Miyamoto ne s’étant pas du tout penchée sur la console portable, c’est l’équipe de Metroid et de Kid Icarus qui a été chargée de développer le jeu. C’est ce qui explique l’apparition d’un nouvel univers (Sarasaland), d’une nouvelle princesse (Daisy), d’un nouveau méchant (Tatanga) et de toute une tripotée de nouveaux ennemis qu’on ne reverra d’ailleurs pour la plupart jamais par la suite.

Au-delà de sa capacité à faire apparaître des scènes en sous-marin et en navette spatiale que Miyamoto n’a jamais osé mettre dans ses propres jeux, Super Mario Land surprend par sa musique. Composée par un Hirozazu Tanaka survolté, elle fait honneur à la console… et demeurera avec The Legend of Zelda : Link’s Awakening l’un des seuls jeux de la console à utiliser pleinement les capacités sonores de la GameBoy. C’est d’ailleurs un reproche qui lui sera très souvent fait : les musiques sont affreuses, criardes, aigues…

Birabuto Kingdom – Hirokazu Tanaka
Super Mario Land OST – 1991


Malgré tout, c’est un succès au Japon. A titre d’exemple, Super Mario Land se sera écoulé à plus de 4 millions d’exemplaires la première année. Face à un tel succès, les éditeurs tiers ne vont pas tarder à faire la révérence au président de Nintendo afin d’obtenir la licence et le sacro-saint « Nintendo Seal of Quality. » Les développeurs vont eux-mêmes se contraindre à créer de nouveaux jeux plutôt que d’adapter bêtement leurs jeux NES. Bien sûr, on ne parle pas de cross-plate-forme à l’époque et il était déjà rare de trouver des jeux similaires sur deux consoles concurrentes. Mais alors sur deux consoles qui ne sont pas en concurrence et qui touchent un marché bien différent ? Les développeurs prennent le parti d’apporter bon nombre de modifications à leurs jeux originaux (level design, difficulté, refonte graphique) pour en faire de vrais jeux destinés aux joueurs nomades. D’autres vont faire comme Nintendo et inventer toutes sortes de nouvelles licences spécialement adaptées au marché portable.


Lancement mondial et arrivée de la concurrence

Pour ne surtout pas reproduire l’erreur de la NES et de la Super NES qui avaient laissé tout l’espace occidental à Sega, Nintendo décide de créer ce qui pourrait ressembler à un lancement mondial. La console sera disponible le 31 juillet 1989 en Amérique du Nord et le 28 septembre 1990 en Europe. Une stratégie décisive car Sega et Atari étaient prêts à se lancer, eux aussi, sur le marché des consoles portables. A noter que la GameBoy est la première console à avoir le même nom sur les trois principaux marchés mondiaux. La console ne sera d’ailleurs appelée autrement qu’en Corée du Sud, du fait de l’animosité historique entre les Coréens et les Japonais. C’est Samsung qui distribuera la console sous le nom « Mini Comboy. »



Entre temps, Nintendo a réussi un tour de maître en récupérant les droits d’exploitation d’une licence qui fera la renommée de la GameBoy : Tetris. Initialement créé par un développeur Russe du nom d’Alexey Pajitnov, ce puzzle-Game était disponible sur micro-ordinateurs. C’est lors du Consumer Electronics Show de 1988 qu’un contact de Nintendo a découvert le jeu. Suggérant au président de Nintendo of America, Minoru Arakawa, qu’un tel jeu serait bien plus vendeur que Super Mario Land (réservé aux garçons qui jouent déjà à la NES), il entreprend les démarches pour obtenir les droits. Mais la situation est assez complexe, car les droits sont apparemment détenus par Tengen qui a déjà porté Nintendo devant les tribunaux à plusieurs reprises (et qui ne cessera de le faire jusqu’au milieu des années 1990). Après de nombreuses démarches infructueuses pour tenter de récupérer les droits, c’est finalement un simple fax resté sans réponse qui va permettre à Nintendo de récupérer Tetris et de faire un gros doigt d’honneur au reste du monde.




Une bonne chose, d’ailleurs puisque le jeu avait déjà été développé en interne et avait été montré lors d’une présentation de la console. Il accompagne la sortie de la GameBoy en Amérique et en Europe, vendu en bundle avec la console. C’est ce qui en a fait le jeu le plus vendu de la plateforme (avec 30 millions d’exemplaires !!!) jusqu’à la sortie de Pokemon Bleu et Rouge (31 millions, pas de bol ^^).

Bref, tout cela n’est que du terreau pour Atari et Sega qui sortent tous deux des consoles bien plus puissantes que la GameBoy. C’est Atari qui ouvre le bal, dès la fin 1989 en Amérique avec une console qui, si elle reste équipée d’un processeur 8 bits, est capable d’afficher des graphismes en 3D sur son écran couleur retro-éclairé. De plus, la Lynx proposait des fonctions atypiques, notamment celle de la tenir à l’horizontal ou à la verticale… ou encore à l’envers pour faciliter le jeu des gauchers. L’écran se tournait sur simple demande. Manque de pot, la console était deux fois plus chère que la GameBoy et aucun éditeur n’a choisi de la soutenir.

Sega a pris un peu de retard, mais avec sa Game Gear de compétition il s’attaque au marché un an plus tard. La Game Gear, c’est une Master System portable, ni plus ni moins. Enfin un petit peu moins puisque l’écran affiche une résolution inférieure. Mais sinon, la console a la capacité de faire tourner exactement les mêmes jeux, à tel point qu’un adaptateur est commercialisé, permettant de jouer à la Game Gear avec ses cartouches de jeux Master System. Ecran couleur retro-éclairé, design classe et noir à la mode Sega… Le problème c’est la consommation de piles trop importante qui pousse à jouer sur adaptateur secteur (là où la GameBoy propose une autonomie de 10 heures avec 4 piles LR6, la Game Gear tient à peine 4 heures avec 6 piles !!). Il n’y avait quasiment que Sega pour soutenir sa console, s’essayant même à de nouvelles licences ou à de nouveaux genres de jeux pour en mettre plein la vue.

Rien n’y a fait, la GameBoy était intouchable. Et avec 6 millions de Lynx et 10 millions de Game Gear, Nintendo devait bien rigoler en voyant que sa petite GameBoy dont tout le monde s’était moqué occupait 85% du marché.





Bien sûr, il n’y a pas de succès sans critique et la plus fervente d’entre toutes concernait le nom de la console. Game Boy. On pourrait traduire ça par « garçon jeu » et certains n’ont même pas tardé à faire des transformations de traductions erronées, entendant alors « Game Boy » comme « Boys Game », ou « jeu de garçons. » C’est en Europe qu’une obscure association a traduit Nintendo en justice pour sexisme, l’intimant de renommer la console « Game Kids ». Oui parce que en 1990, les jeux vidéo, c’est pour les enfants, bien sûr. Pour faire taire les mauvaises langues, Nintendo publie une étude en 1995 dans laquelle il est estimé que 45% des possesseurs de GameBoy sont du sexe féminin.


Et la suite alors ?

Le successeur annoncé de la GameBoy s’appelait Virtual Boy. Il est sorti en 1995 et a fait un tel flop que Nintendo n’en a même pas vendu un million entre le Japon et l’Amérique. Les raisons sont diverses et variées, mais toujours était-il que plus rien ne semblait pouvoir arrêter la GameBoy. Pour autant, les ventes s’essoufflaient, on voyait presque poindre une saturation du marché à l’horizon : une étape redoutée où tout le monde possède l’objet vendu et où plus personne n’achète.

Pour relancer la chose, Gunpei Yokoi prépare une petite sœur à la GameBoy : la GameBoy Pocket. Plus petite, moins épaisse et moins gourmande en énergie avec un écran un peu plus clair, la petite console est sortie en 1996, pile poil pour accompagner un événement planétaire en gestation : la sortie de Pokemon. Cette console est par ailleurs la dernière contribution de Gunpei Yokoi à l’histoire de Nintendo. En effet, l’homme se sentant bridé (et accessoirement devant assumer la responsabilité de l’échec du Virtual Boy – bien que ce ne soit pas un élément décisif) avait pour projet de fonder une entreprise indépendante. Il a juste eu le temps de finaliser la GameBoy Pocket avant la fin de son contrat avec Nintendo. Malheureusement, après seulement quelques mois à voler de ses propres ailes, un bête accident de la route aura raison de lui et de tous ses projets.

En Avril 1998, une GameBoy Light sort uniquement au Japon. Cette version possède (enfin) un écran retro-éclairé pour une faible consommation d’énergie. Mais ce modèle n’a été que très peu commercialisé afin de ne pas faire d’ombre à la suite…




Mai 1998, Electronic Entertainment Expo à Los Angeles. Nintendo présente la GameBoy Color. Deux fois plus puissante que l’originale, deux fois plus rapide avec deux fois plus de mémoire… Et un écran couleur. Tous les jeux GameBoy et Super GameBoy sont compatibles et bien des nouveautés sont en préparation aux côtés de quelques remakes d’anciens jeux GameBoy qui passent ainsi à la couleur.

Théoriquement, la GameBoy Color succède à la GameBoy classique et à ses deux itérations Pocket et Light. Mais face au parc de GameBoy installé, bien des développeurs choisissent de développer des jeux compatibles avec les deux générations. A commencer par la licence phare de cette époque, Pokémon, où seul l’épisode Crystal est exclusif à la console colorée.

Ainsi, on peut dire que le véritable successeur de la GameBoy, c’est la GameBoy Advance, puisque l’on change complètement d’architecture pour passer sur un processeur 32 bits qui semble être une belle évolution du cœur de la Super Nintendo. Mais ça, c’est une autre histoire 😉



Ventes finales

En cumulant les ventes de la GameBoy, GameBoy Pocket, GameBoy Light et GameBoy Color, on obtient un total de plus de 118 millions d’unités écoulées à travers le monde avec une répartition quasi équitable sur les trois marchés principaux (entre 36 et 44 millions), ce qui est assez rare.

Jusqu’en 2006, la GameBoy est restée la console la plus vendue au monde, battue par la PlayStation 2 (qui a fini à 150 millions). Jusqu’en 2009, elle est restée la console portable la plus vendue au monde, battue par la Nintendo DS (qui a fini à 158 millions).

Une véritable réussite qui a valu à Nintendo une réputation d’indétrônable sur le marché des portables (et ils sont nombreux à avoir essayé !).

La production de GameBoy prend fin en 2003, deux ans après la sortie de la GameBoy Advance. Toujours en considérant que GameBoy et GameBoy Color sont une seule et même console, voilà qui en fera à tout jamais la console ayant eu la plus longue durée de vie : 14 ans avant d’être officiellement remplacée ; soutenue par les développeurs du début à la fin de son cycle de production. Elle aura été contemporaine avec 3 générations de consoles de salon : la NES, la Super NES et la Nintendo 64. Elle aura même vu naître la DreamCast et la PlayStation 2 et les publicités pour Pokémon Or et Argent côtoyaient celles pour Soul Calibur et Gran Turismo 3.