Le successeur de Phoenix Wright est mort avant même que la partie ne commence. Si Capcom ne s’est même pas donné la peine de localiser Miles Edgeworth Investigations chez nous, Ghost Trick est passé dans des mains beaucoup plus attentionnées, celles de Nintendo. Voyons voir ce que valent les enquêtes de l’au delà, sans cet insupportable Matt Damon.
A moitié mort
Le jeu commence alors que vous êtes mort.
D’abord inconscient, votre âme se réveille ensuite sur les lieux du crime. Près de votre dépouille, une rouquine est mise en joue par un tueur à gage en costard. Ni une, ni deux, il la tue.
Heureusement pour vous, cela ne s’arrête pas là! Et c’est ainsi qu’entrent en jeu les histoires de fantômes. Réveillé par une lampe de bureau appelée Ray, vous vous retrouvez propriétaire de pouvoirs spectraux. L’âme du héros peut désormais prendre le contrôle d’objets via le monde des morts, les manipuler et s’il rencontre un cadavre récent, il pourra remonter quatre minutes avant la mort de celui-ci pour lui éviter le pire. Grâce à ses nouveaux dons, Sissel, le héros du jeu, décide de sauver la vie de Lynne, la rouquine, afin de faire lumière sur son passé ; lors de sa mort, il a absolument tout oublié de son vécu. Qui est-il ? Pourquoi a t-il été tué ? Sa curiosité le poussera à mener l’enquête, mais il doit faire vite, parce qu’à l’aube, son âme disparaitra définitivement.
Comme je l’ai dit dans l’introduction, Ghost Trick est un jeu développé par le créateur (Shu Takumi) de la série Phoenix Wright Ace Attorney et l’empreinte de son illustre prédécesseur est présente partout dans le jeu.
Tout d’abord d’un point de vue des personnages. Ils sont tous tout aussi débiles et attachants que dans Ace Attorney, et chacun d’entre eux cache de lourds secrets derrière son masque de fantaisies. Le meilleur d’entre eux est pour moi l’inspecteur Cabanera. Prenez une grande perche avec un look à la John Travolta dans Saturday Night Fever et qui fait un pas de danse à chacune de ses phrases. Et ce n’est pas le seul, il y a aussi ce gardien de prison et sa danse du pipi, le petit chien inutile et stupide, la duchesse, le mec au pigeon, etc… Il n’y a pas beaucoup de personnages mais ils sont tous développés avec leurs personnalités et donnent un aspect très vivant au jeu.
Le héros, qui est tout de même un point important de l’histoire, est un monument de prestance. Malgré son nom de merde, Sissel, son costard rouge, son pic de cheveux et ses lunettes de soleil lui vont à merveille. Il est moins neuneu que Phoenix et on en vient presque à regretter qu’il soit mort. Bref, les personnages et les dialogues participent à l’humour du jeu, que ce soit par de simples blagues ou par cette nana qui meurt sans arrêt et qu’il faut constamment aider.
Ce qui nous intéresse aussi, c’est l’histoire. Ghost Trick étant un point & click moderne, il a évidemment des phases de blabla assez conséquentes, mais cependant agréables à lire. En parlant de ça, j’ai trouvé la traduction plutôt sympa. Il faudra cependant apprendre à la boite de localisation que ce que les anglais appellent un « detective » se dit en France un inspecteur, un agent de l’Etat. Un détective est un enquêteur privé, ce qui n’a quand même rien à voir.
Revenons-en à nos moutons. Le système de Ghost Trick s’alterne donc sur deux phases, le jeu et la lecture. La première, où l’on joue vraiment, réside dans la majeure partie du temps à manipuler les objets, de sorte à trouver le bon enchainement, qui permettra à la victime d’éviter sa mort. La plupart du temps, lorsque vous arriverez sur un nouveau lieu, un cadavre vous y attendra et c’est en le sauvant qu’il vous racontera ce qu’il sait sur la sombre affaire qui a lieu ce soir.
Bien sûr, tout ne se passe pas de manière aussi hachée, les Ace Attorney ont une excellente narration, qui a d’ailleurs fait la renommée de la série et tout se suit de manière naturelle. Dans Ghost Trick, il n’y a qu’une affaire, celle du héros. Les moments forts se déroulent alors plutôt vers la fin du jeu, le début s’éparpillant davantage sur les problèmes actuels. Je dis actuel car, une fois encore, le passé sera très important.
Graphismes
Ghost Trick s’est, de ce point de vue, complètement détaché d’Ace Attorney et son interface point & click classique.
Le jeu se déroule sur en 2D découpée, comme sur un plan. En gros, lorsque vous entrez dans un bâtiment, il n’y a pas de transition entre dehors et dedans, vous avez une vue sur les deux car la maison est comme découpée pour que vous puissiez voir l’intérieur.
Mine de rien quand on est un fantôme, ça aide bien. Vous pouvez ainsi actionner un rouage qui serait dans les fondations du bâtiment ou derrière une partie cachée sans attendre que quelqu’un n’ouvre la porte.
Le jeu est extrêmement fouillé et propose des décors avec pleins de petits détails et, dont la plupart, le resteront. Sissel ne pourra passer que par les objets mis à disposition par les développeurs, ce qui est un peu bête, mais j’y reviendrais.
Toute l’action du jeu se déroule sur un même plan et les personnages s’y incrustent à merveille avec ce petit effet 3D à la New Super Mario Bros. Ca fait d’ailleurs plaisir de voir des personnages vivants dans un jeu portable.
La plupart du temps, les protagonistes ne discutent qu’entre eux et que par le biais d’artworks, mais ils bougent également et en temps réel. Par exemple, lorsque l’inspecteur Cabanera arrive, on le voit se déplacer avec sa démarche de clown et de même lorsqu’il exécute son pas de danse. L’animation est en plus de ça vraiment fluide et l’aspect technique ne relève d’aucun bug ni ralentissement.
Mais ce n’est pas tout, l’action du scénario se déroule également lorsque vous jouez. Lorsque vous remontez dans le temps pour éviter la mort d’un malheureux, les personnages reproduisent l’action précédemment vue pendant que vous exécutez vos manœuvres. Evidemment, tout n’est pas reproduit à la même vitesse pour vous laisser quand même le temps de réfléchir.
Le style de dessin des personnages lui aussi me plaît beaucoup. J’adore ce petit côté moderne et un peu pointu, ça accentue le côté efficace des personnages qui ne sont pas là pour perdre leur temps, ça donne une impression de mouvement. Autre chose. A de rares moments dans le jeu, une cinématique prend le relais. Ce qui se voit lors de la légère baisse de résolution. Néanmoins, la transition se fait quasi immédiatement, sans écran noir de pseudo chargement.
Ghost Trick
Voilà enfin le coeur du jeu.
Ghost Trick repose sur un concept dérivé en plusieurs idées. Comme son nom l’indique, vous devez prendre le contrôle des objets afin de les manipuler.
En commençant le jeu, il aura constamment cette indication vous montrant que c’est à vous de jouer. Ensuite, les deux boutons de l’écran tactile resteront vos copains jusqu’à la fin. La première est la touche « fantôme » vous permettant d’activer une vision fantomatique. En plus de geler le temps, l’ensemble des objets susceptibles d’abriter votre âme sont signalés par un noyau bleu et vous devez étirer votre boule bleu flamboyante de l’objet de base, vers l’objet voulu. La manipulation se fait via la touche tactile « tour ».
La suite ne dépend que de vous. C’est à vous d’aller d’objet en objet et d’interagir avec eux, avec le timing qu’il faut, pour trouver la solution au problème. Certaines énigmes ne sont pas évidentes du tout, il faut agir et réfléchir en même temps pour trouver ce foutu chemin. Contrairement à un Professeur Layton, la solution se dessine au fur et à mesure de l’avancement et une échappatoire peut très bien apparaître dans les deux dernières secondes. La principale difficulté sera de gérer la portée d’étirement très courte de Sissel, à vous de geler le temps quand il faut pour vous créer un passage, si vous échouez, pas de risques, vous pouvez recommencer du début ou des checkpoints à tout moment et les indices sont suffisamment nombreux.
Première remarque, un évident manque de liberté. Ace Attorney suivait un fil conducteur, normal pour un bouquin, et il ne pouvait donc pas vraiment s’en éloigner. Alors, bien que Ghost Trick nous fasse jouer davantage, vous ne pouvez pas contrôler vos gestes une fois la manipulation effectuée, vous ne pouvez plus influencer l’emplacement de l’objet. Il tombera là où il est prévu qu’il tombe. De ce fait, les développeurs n’ont choisi qu’une seule solution aux problèmes. Il n’y a pas d’autres chemins que celui imposé pour sauver les victimes et c’est très dommage. C’est un peu comme ces énigmes de Layton aux réponses multiples, ça casse le côté initiatives et c’est d’autant plus dommage que c’était déjà présent dans les premiers Phoenix Wright.
Point essentiel du point & click, les déplacements d’une scène à une autre sont effectués par une autre idée géniale. En prenant possession du téléphone durant un appel, vous pouvez vous rendre sur le lieu à l’autre bout du fil par le biais d’une vidéo courte et classe. Bien que cela ne vous servira pas beaucoup, vous pouvez aussi enregistrer tous les numéros pour y revenir plus tard, sans que le téléphone ne soit utilisé par un humain.
Comme je l’ai dit dans la partie histoire, le gros pouvoir de Sissel est celui de remonter dans le temps, quatre minutes avant la mort d’une personne. En modifiant de quelque peu le destin des personnes aux alentours, vous vous créez des checkpoints pour votre véritable but. Tout est très bien foutu, bien que les situations deviennent assez compliquées sur la fin.
Remonter dans le temps n’est pas valable que pour une personne. Si la mort d’une personne en a déclenché une autre, débrouillez vous pour accéder à cette personne, remonter une nouvelle fois le temps pour empêchez sa mort et éviter ainsi celle de l’autre.
Mais le plus bizarre, c’est qu’à aucun moment les gens n’auront plus peur de voir des objets bouger tous seuls. Je veux bien qu’il fasse nuit, mais y a des limites aux dysfonctionnements des objets. Personnellement, je me poserais des questions si je voyais un parapluie se déployer devant moi.
C’est tout ce qu’il y a à décrire pour le gameplay. Ghost Trick vous propose des possibilités pour celui ci et il vous laisse vous débrouiller avec jusqu’à la fin. Enfin ce n’est pas tout à fait vrai, mais je n’en dirais pas plus.
Musiques et sons
Pour cette partie, l’héritage des Ace Attorney est on ne peut plus évident.
Je ne dirais pas que les sons sont identiques, mais en fait si, à par le transfert de l’âme qui fait un bruit de photo. Les phrases chocs, les objections et même le petit bruit de la remarque intéressante, tout sonne comme avant et vu que c’était bien, c’est aussi le cas ici. Ce genre de sons participent à l’aspect vivant de l’action et créent une dynamique dans du dialogue statique d’artwork.
Les musiques sont composées par le même bonhomme, Masakazu Sugimori, et cela s’entend également. Le thème principal, généralement placé lors de révélations importantes ou de vies sauvées, coïncide parfaitement avec le style graphique des personnages du jeu, surtout avec ses instruments électriques. C’est aussi le cas pour toutes les musiques, notamment lorsqu’il ne reste plus beaucoup de temps avant la mort du personnage. Le compositeur a également prévu, comme avec Phoenix Wright, une variation des thèmes en fonction de la gravité de la situation, dans le souci de coller au mieux possible avec l’action.
Malheureusement, Mr Sugimori ne semble pas très doué pour la musique mélo-dramatique. Comme vous avez pu l’entendre avant, elles sont mauvaises en plus d’être super clichées et ça n’a pas changé.
Ce que vous remarquerez également, ce sont les bruits de musiques typiquement GBA, alors qu’on peut faire beaucoup mieux sur DS. Ces morceaux rappellent énormément Phoenix Wright et je pense que c’est le but recherché, ou du moins j’espère. Si vous écoutez le MP3 juste après ce paragraphe, vous en jurerez qu’il vient d’un Ace Attorney. Il est loin d’être le seul, même si celui ci est le plus flagrant, dans le genre notes graves et aigües.
Ghost Trick est une histoire de fantôme, se déroulant la nuit, avec un fond de meurtres en série. L’ambiance musicale y est donc adaptée, mais il y a aussi les thèmes des différents personnages, également très proches de ce qu’on peut entendre dans Ace Attorney. Le thème de Cabanera est sans doute le meilleur et le thème de Missile, un chien, est typiquement celui du personnage innocent et surexcité qui, encore une fois, fait très Phoenix Wright.
Oui, je parle beaucoup de l’ancienne série des développeurs, mais ce n’est pas de ma faute si tout se ressemble tellement !
Peut être que le compositeur ne sait faire que ça, mais après, on s’en fout, tant que c’est bon. Les musiques du bonhomme donnent du charme à son histoire et surtout, un rythme à un style de jeu qui n’en a pas. Que serait Phoenix Wright sans la musique de l’objection et même toutes les autres ? Un jeu chiant.
Cependant, bien que les musiques se ressemblent, elles n’ont pas autant de pêche qu’avant et il n’y a rien d’aussi mémorable que le thème de Maya ou, encore une fois, le mythique thème de l’objection. Vous me direz qu’un tel niveau est dur à atteindre et je suis d’accord avec vous. Personnellement, j’adore la bande son de Ghost Trick.
Une seule petite nuit
Sissel n’aura qu’une seule nuit pour venir à bout de la quête de son identité. La dernière fois qu’un jeu avait basé sa longévité sur une nuit, c’était Luigi’s Mansion et on sait tous qu’il n’était pas très long. J’en vois des inquiets, mais rassurez vous, ce n’est pas du temps réel comme avec Pikmin. Les chapitres vous indiquent l’heure de l’action et même si vous laissez la console allumée toute une journée, ça ne changera rien.
J’ai fini Ghost Trick assez rapidement pour qu’il ne vaille pas ses 40€, du moins dans le simple rapport temps/prix. Les Ace Attorney étaient beaucoup plus longs, mais il avait aussi l’avantage de proposer plusieurs enquêtes. Ici, le speech de départ ne laissait pas cette possibilité étant donné que Sissel n’est là que pour une nuit. D’ailleurs, vous pourrez à quelques reprises sentir une volonté d’étirer un peu la durée de vie par des lieux, des sauvetages et dialogues qui n’apportent pas grand chose à l’intrigue. C’est ce que je disais dans la partie histoire, elle s’éparpille un peu au début.
Néanmoins, les développeurs ont su construire correctement leur jeu et pallier à cet éparpillement. Au tout début, le joueur concentre davantage son intérêt par les énigmes des tours de fantômes. Les réactions en chaines sont amusantes à construire et c’est au moment où on commence à en avoir fait le tour, que l’histoire vous rapproche brutalement de votre identité et du mystère de votre mort. L’intérêt se concentre alors sur le scénario et la transition est bien assurée. Du bon travail.
En revanche, la re-jouabilité est évidemment inexistante. Personne n’ira se refaire le jeu, l’intérêt de l’intrigue et des énigmes n’étant plus.
Le jeu est donc plutôt rapide car l’intrigue est intéressante, surtout vers la fin et qu’on ne peut pas vraiment décrocher. Qui aurait envie d’une enquête s’étalant sur 60 heures ? C’est possible, mais pas dans le cas d’une enquête unique et à temps compté. Le scénariste aurait alors peut être dû virer l’idée d’en finir avant l’aube, cela aurait pu permettre un jeu plus long dont les différentes enquêtes auraient servies à construire un chemin vers votre objectif final. Par exemple, notre Sissel aurait pu se servir des infos pour se tenir au courant d’un meurtre et se déplacer jusqu’à l’âme du défunt pour proposer une enquête post-mortem. Il aurait ainsi pu développer des relations avec la police, comme c’est le cas et le mener sur les traces de son meurtrier.
Tiens, ça pourrait faire un bon manga dérivé non ?
En bref…
Bien qu’il s’éparpille un peu au début, le récit est particulièrement prenant et les questions de Sissel sont impossibles à deviner jusqu’au moment où le jeu vous l’annonce. Si vous avez aimé les Ace Attorney, vous en retrouverez toutes les qualités dans Ghost Trick.
GAMEPLAY : 15/20
Un super concept bien exploité avec des idées originales et intéressantes. Le seul problème, c’est qu’il n’y a qu’une manière de progresser : celle du développeur.
GRAPHISMES : 16/20
J’adore le style du jeu, aussi bien dans les dessins qu’en règle générale. La finition est des plus exemplaires, c’est un jeu 2D comme on les aime.
MUSIQUES et SONS : 16/20
Si les musiques ne sont pas au niveau de celles d’Ace Attorney, l’identité musicale y est la même. Les thèmes du jeu remplissent parfaitement leurs rôles, accompagner l’action et je dirais même plus dans le cas de Ghost Trick, créer une action.
DUREE DE VIE : 12/20
Le jeu est court et le scénario aurait pu être construit de manière à allonger la durée de vie. Malgré ça, j’en suis sorti satisfait.
Note Finale : 16/20
Ghost Trick est une expérience intéressante et je remercie Capcom d’avoir laissé la localisation à Nintendo. Shu Takami, le créateur et scénariste, a encore une fois su proposer quelque chose de nouveau au genre du jeu d’enquête, mais non sans emprunter beaucoup de ce qui a fait le succès de Phoenix Wright. A raison, en ce qui me concerne.
Je vous conseille donc vivement ce jeu de fantômes, néanmoins bien vivant, idéal pour jouer le soir, tranquille au fond du lit.